Why We Think

Tom et Jerry est-il un dessin animé pour les personnes sourdes ? La vérité derrière cette course silencieuse

Beaucoup de personnes se sont demandé pendant des années : Tom et Jerry est-il un dessin animé pour personnes sourdes ? Cette question est compréhensible quand on regarde un chat et une souris raconter toute leur histoire à travers des poursuites folles et des tours amusants, sans dire un seul mot.

La réponse simple est non. « Tom et Jerry » n’a pas été créé spécifiquement pour les personnes sourdes ou malentendantes. Mais ce fait soulève des questions bien plus larges. Pourquoi pensons-nous cela ? Que nous apprend-il sur la narration par l’image ? Surtout, cela nous aide à comprendre la différence entre des programmes qui sont accessibles par hasard et ceux conçus pour inclure tout le monde. Cette question nous enseigne plus qu’un dessin animé classique : elle nous apprend comment rendre les médias vraiment accessibles.

Le Malentendu Principal

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Pour avancer, il faut répondre à la question principale et comprendre pourquoi les gens pensent ainsi. Comprendre comment on en arrive à cette conclusion nous permet de voir la réalité et de construire de meilleures idées sur les médias accessibles.

Un « Non » Complexe

« Tom et Jerry » n’a pas été créé en pensant aux personnes sourdes ou malentendantes. C’était un dessin animé classique de cinéma, réalisé par William Hanna et Joseph Barbera pour Metro-Goldwyn-Mayer. Il était destiné à divertir un public entendant des années 1940 et au-delà.

Les gens se trompent parce que le dessin animé ne comporte pas de dialogues. Ce choix créatif le rend plus facile à suivre qu’un programme avec des dialogues complexes sans sous-titrage. Pour beaucoup, surtout avant que les sous-titres de qualité ne soient courants, cette série était l’un des rares programmes télévisés qu’ils pouvaient suivre et apprécier sans avoir besoin d’entendre. C’était une accessibilité par accident, pas par conception.

Pourquoi Les Gens Posent Cette Question

Cette idée vient de plusieurs raisons valables. La logique est facile à suivre, même si la conclusion est erronée.

  • Pas de dialogues : C’est le facteur principal. L’idée de base est simple : si les personnages ne parlent pas, il n’est pas nécessaire d’entendre pour comprendre l’histoire. L’histoire est racontée par l’action, pas par les mots.
  • Humour universel : La comédie physique du dessin animé est brillante. Une poêle frappant la tête de quelqu’un, une queue coincée dans une porte, ou une enclume tombant du ciel sont des idées qui fonctionnent dans toutes les langues et cultures. Cette portée universelle est souvent confondue avec une accessibilité pour les personnes avec une perte auditive.
  • Focus sur l’action : L’intrigue repose entièrement sur ce que nous voyons. Le plan de Tom, la réaction de Jerry, et le chaos qui en découle sont tous montrés visuellement. Le spectateur doit regarder le « quoi », pas écouter le « pourquoi ».

Le Langage Silencieux

Pour vraiment comprendre pourquoi « Tom et Jerry » semble si simple à comprendre, il faut regarder son génie visuel. Ce n’est pas seulement l’absence de dialogues ; le dessin animé remplace la langue parlée par un langage visuel riche. C’est puissant, mais il faut comprendre comment cela fonctionne et ce que ce n’est pas.

Lire L’histoire

Regarder « Tom et Jerry » est un exercice de lecture visuelle : la capacité à comprendre et donner du sens à l’information présentée sous forme d’images. Le dessin animé ne montre pas simplement l’action ; il fait que le spectateur « lise » activement l’histoire. Nous comprenons le léger changement dans le regard de Tom comme le début d’un nouveau plan voué à l’échec. Nous lisons la posture confiante de Jerry comme un signe qu’il a l’avantage. Les animateurs fournissent ce « texte » visuel, et nous, le public, le comprenons. C’est un processus actif qui rend le visionnage captivant plutôt que passif.

Les Trois Éléments Clés de l’Animation

Le langage visuel du dessin animé repose sur trois principes principaux qui travaillent ensemble pour raconter une histoire complète.

  • Action : C’est l’intrigue elle-même — la mise en place physique et l’exécution des gags. Pensez aux pièges extrêmement complexes que Tom prépare pour attraper Jerry. L’action est le verbe de l’histoire, ce qui fait avancer l’histoire d’un moment à l’autre.
  • Réaction : Elle est sans doute plus importante que l’action elle-même. L’histoire n’est pas seulement que le piège a échoué ; c’est la réaction exagérée et complète du corps de Tom — choc, douleur, frustration. C’est le sourire narquois ou le haussement d’épaules de Jerry. Ces réactions sont la ponctuation émotionnelle, indiquant si l’on doit rire de l’échec ou encourager la réussite.
  • Communication émotionnelle : C’est l’élément le plus subtil. Les animateurs utilisent la posture, les expressions faciales et le langage corporel pour montrer l’état intérieur d’un personnage. Un Tom triste, épaules affaissées et queue traînant au sol, communique la défaite mieux qu’aucune réplique. Un Jerry marchant sur la pointe des pieds, dos droit et yeux grands ouverts, montre la tension et la discrétion. C’est ainsi que la série construit les personnages et la profondeur émotionnelle sans scénario.

Visuels vs. Langue des Signes

Ici, il faut faire une distinction importante et respectueuse. Le pantomime et les gags visuels de « Tom et Jerry » sont une forme de communication universelle, mais ils ne sont pas une langue formelle. La Langue des Signes Américaine (ASL), par exemple, est une langue complète et complexe avec sa propre grammaire, syntaxe et variations régionales, reconnue par les experts linguistiques comme une langue à part entière. La narration visuelle du dessin animé est une forme brillante de performance non verbale, tandis que l’ASL est un système linguistique utilisé pour une communication riche et détaillée par la communauté sourde. Confondre les deux serait injuste envers la complexité et l’importance culturelle des langues des signes dans le monde.

Le Mythe du Silence

La plus grande erreur en pensant que « Tom et Jerry » est un dessin animé « muet » est qu’il est tout sauf silencieux. Le dessin animé possède l’une des bandes son les plus dynamiques et importantes de l’histoire de l’animation. Pour un spectateur entendant, cette bande-son n’est pas un simple bruit de fond ; elle est un narrateur, un comédien, un personnage à elle seule. La supprimer enlève une grande part de la richesse artistique du dessin animé.

Plus Que du Bruit de Fond

Les effets sonores soigneusement conçus sont les héros méconnus de la comédie du dessin animé. Le zziip d’un personnage qui file hors champ, le bam d’un objet qui tombe, le spring d’un piège à ressort — ce ne sont pas que des sons. Ce sont des punchlines auditives. Ils donnent le rythme, l’impact et la synchronisation comique que les images instaurent. Ils nous indiquent la violence du choc, la vitesse de la course-poursuite, et la gourmandise de la situation. La conception sonore fonctionne parfaitement avec l’animation pour parfaire la blague.

La Musique de Scott Bradley

Le véritable narrateur de « Tom et Jerry » est la musique, composée par le brillant Scott Bradley. Ses arrangements orchestraux ne sont pas une simple musique de fond ; ils narrent scène par scène et temps par temps toute l’histoire.

La musique signale chaque changement d’ambiance, passant doucement d’un thème sournois et discret pour un Tom marchant sur la pointe des pieds à une frénésie orchestrale chaotique pour une poursuite complète. Chaque mouvement physique est accompagné par la musique — une course de xylophone suit un personnage dévalant des escaliers, un cri de trompette souligne une prise de conscience douloureuse. La partition de Bradley guide les émotions du public, créant suspense, renforçant la comédie, et ajoutant une profondeur émotionnelle surprenante à ce simple jeu du chat et de la souris.

Ce Qui Est Perdu ?

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Bien que l’intrigue de base de « Tom et Jerry » puisse être comprise sans son, une grande partie de l’expérience visuelle est perdue. Le rythme des gags, les indices émotionnels de la musique, et l’impact comique des effets sonores sont inaccessibles sans audition. C’est l’une des raisons principales pour lesquelles le dessin animé, bien que visuellement clair, n’a pas été conçu « pour » un public sourd. Un spectateur qui ne peut pas entendre la musique manque une partie fondamentale de l’intention artistique du dessin animé, une couche d’humour et de narration essentielle à l’expérience complète.

Le Point de Vue de la Communauté

Au lieu de supposer, la démarche la plus utile est d’écouter. Lorsque la conversation passe de l’analyse théorique aux expériences réelles de la communauté sourde et malentendante, le tableau devient beaucoup plus clair et humain. Leurs perspectives offrent les informations les plus importantes sur ce sujet.

Apprécier la Clarté Visuelle

Beaucoup de personnes sourdes et malentendantes ayant grandi au XXe siècle partagent une expérience commune : une appréciation pour des dessins animés comme « Tom et Jerry » et « Looney Tunes ». À une époque où les sous-titres pour la télévision étaient inexistants, imprécis ou disponibles seulement sur certaines émissions, ces dessins animés visuellement centrés étaient une rare source de divertissement accessible.

Comme pourrait dire un membre de la communauté :

« En grandissant, Tom et Jerry était l’un des rares dessins animés que je pouvais regarder avec ma famille entendante et rire avec eux en même temps. Je n’avais pas besoin de demander « Qu’est-ce qu’ils ont dit ? » toutes les cinq minutes. L’histoire était juste là à l’écran. Ce n’était pas parfait, mais c’était quelque chose que je pouvais vraiment suivre. »

Cependant, ce plaisir venait souvent du fait de devoir se contenter de ce qui était disponible. C’était une appréciation née de la nécessité, non parce que les médias étaient parfaitement adaptés à leurs besoins.

La Pièce Manquante

La discussion au sein de la communauté a évolué. L’attention principale porte désormais sur l’importance de sous-titres descriptifs de haute qualité qui offrent un accès complet à l’expérience artistique. Pour une série comme « Tom et Jerry », cela signifie sous-titrer les éléments audio non verbaux qui sont essentiels à l’humour et à la narration.

Des sous-titres efficaces ressembleraient à ceci :

  • [Musique tendue et sournoise]
  • [Fort bruit de chute hors champ]
  • [Tom pousse un cri de douleur]
  • [Glissando de xylophone tandis que Jerry descend la rampe]

Ces sous-titres comblent le fossé, offrant aux personnes sourdes ou malentendantes un accès aux blagues musicales, aux effets sonores clés et aux indices narratifs tissés dans la partition de Scott Bradley. Ils dévoilent la couche "cachée" du spectacle qui était auparavant inaccessible.

Au-delà du « suffisamment bien »

En fin de compte, le consensus s’oriente vers un rejet de la célébration de ce qui est « suffisamment bien » au profit d’une défense des médias délibérément inclusifs dès leur conception. Bien que les spectacles sans dialogues soient par défaut plus accessibles, l’objectif est un paysage médiatique où l’accessibilité fait partie intégrante du processus créatif, et non un heureux hasard. Cela signifie concevoir les contenus avec les sous-titres, l’audio description et même les interprétations en langue des signes américaine (ASL) dès le premier jour.

Accessibilité accidentelle versus accessibilité intentionnelle

Toute cette discussion se résume à une idée simple mais puissante : la différence entre accessibilité accidentelle et accessibilité intentionnelle. Comprendre cette distinction est l’enseignement essentiel, nous aidant à être des consommateurs plus critiques et des défenseurs de médias véritablement inclusifs.

Définition des termes

  • Accessibilité accidentelle : Il s’agit de médias qui, en raison de leur format ou de choix créatifs, se révèlent compréhensibles pour des personnes avec certains handicaps, même s’ils n’ont pas été conçus pour cela. « Tom et Jerry » en est l’exemple parfait. Leur nature visuelle est un accident lié au genre slapstick.

  • Accessibilité intentionnelle (conception inclusive) : Cela désigne des médias créés dans le but explicite d’être accessibles à tous dès le départ. C’est une approche proactive où des éléments comme des sous-titres de haute qualité, des descriptions audio pour les personnes aveugles et malvoyantes, et la langue des signes intégrée sont considérés comme des parties fondamentales de la production.

Tableau comparatif

La différence apparaît clairement lorsque l’on compare les deux approches côte à côte.

Caractéristique Accessibilité accidentelle (ex. Tom & Jerry) Accessibilité intentionnelle (ex. spectacle moderne inclusif)
Dialogue Absent ou minimal par choix créatif. Présent et entièrement sous-titré de façon complète et précise.
Indices sonores Essentiels à l’expérience globale mais inaccessibles sans audition. Tous les sons importants sont décrits dans les sous-titres (ex. [Musique de poursuite jazzy]).
Accès linguistique Repose sur la pantomime universelle, pas sur une langue formelle. Peut proposer une fenêtre d’interprétation en ASL (image dans l’image).
Objectif du créateur Créer un divertissement général pour un public présumé entendant. Offrir une expérience égale et agréable pour tous les spectateurs, y compris les personnes sourdes et malentendantes.

Plus qu’un simple jeu du chat et de la souris

Nous avons commencé par une question simple sur un chat et une souris. Nous terminons avec une compréhension bien plus profonde de la communication, de l’art et de l’inclusion. Tom et Jerry est-il un spectacle pour les personnes sourdes ? Non, mais son recours à un récit visuel magistral l’a rendu accidentellement accessible et adoré par beaucoup. Il rappelle puissamment le rôle caché mais vital du son et de la musique dans les dessins animés « muets ».

Plus important encore, ce classique sert de repère historique. Il nous montre le point de départ de l’accessibilité accidentelle et, par contraste, souligne le chemin parcouru et celui qui reste à faire. En avançant vers 2025, notre objectif ne doit pas être de trouver d’autres pépites accidentelles, mais de promouvoir et créer des médias délibérément, soigneusement et brillamment inclusifs dès la première image.

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