Beyond Sound: What Language Do Deaf People Think In?

Dans Quelle Langue une Personne Sourde Pense-t-elle ? Explorer l’Esprit Silencieux

La question de la voix intérieure

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La question « Dans quelle langue une personne sourde pense-t-elle ? » naît d’une curiosité profonde et naturelle. Pour celles et ceux d’entre nous qui expérimentent le monde à travers le son, notre vie intérieure ressemble souvent à une conversation permanente dans notre esprit — une « voix intérieure » qui raconte des histoires, pose des questions et élabore des projets. Il est normal de se demander ce qui remplace ce flux sonore dans un esprit qui ne traite pas les sons. Cependant, la réponse n’est pas simple. C’est un voyage vers la compréhension même de la nature de la pensée.

Comprendre la curiosité

Si une personne n’a jamais entendu de langue parlée, à quoi ressemble son monde intérieur ? Si ce n’est pas une conversation orale dans sa tête, alors quoi ? Cette question vient d’une vision centrée sur l’audition, mais elle ouvre la porte à une compréhension plus profonde de la formidable flexibilité du cerveau humain.

La réponse courte : différentes manières

Il n’existe pas une langue unique dans laquelle toutes les personnes sourdes ou malentendantes pensent. Il est plus juste de dire qu’elles pensent de différentes façons, façonnées entièrement par leur histoire personnelle, les langues auxquelles elles ont été exposées et leur manière singulière de traiter l’information. La pensée n’est pas naturellement liée au son ; elle est liée au langage, et le langage peut être entièrement visuel, physique et spatial.

Notre approche : les mondes intérieurs

Pour vraiment répondre à cette question, il faut dépasser les idées reçues. Nous allons explorer les mondes intérieurs des personnes sourdes et malentendantes, en observant comment fonctionne la pensée chez quelqu’un qui a grandi en utilisant la Langue des Signes, chez une personne ayant perdu l’audition plus tard dans la vie, et chez d’autres dans ce groupe diversifié. Cette exploration révèle des vérités fascinantes sur le lien entre langue, esprit et identité.

Séparer la pensée du langage

Avant de comprendre comment pense une personne sourde, il faut corriger une idée fausse courante. Nous confondons souvent la pensée avec les mots parlés que nous utilisons pour l’exprimer. Pourtant, ce sont deux processus différents. La pensée est l’activité mentale brute et fondamentale — les concepts, émotions et connexions. Le langage est le système organisé que nous utilisons pour structurer, affiner et communiquer ces pensées.

La pensée comme processus

Pensez à la sensation abstraite de savoir que vous devez aller au supermarché. Vous avez une liste mentale de courses, un sentiment d’urgence et une conscience spatiale du trajet. Voici la pensée dans sa forme pure — un ensemble de concepts et d’intentions qui existe avant d’être formulé en mots.

Le langage comme système

Le langage est l’outil qui donne forme à cette pensée brute. Vous pourriez penser, « Je dois acheter du lait, du pain et des œufs après le travail. » Cette phrase est l’emballage linguistique du concept sous-jacent. L’important est que cet emballage peut varier. Il peut être en anglais, en espagnol, ou dans une langue entièrement visuelle comme l’American Sign Language (ASL). La pensée initiale reste la même.

Comparaison : architecte vs plan

Une comparaison utile est celle d’un architecte et d’un plan. L’architecte a une vision pour un bâtiment — un concept complexe et tridimensionnel d’espace, de lumière et de matériaux. Cela représente la pensée. Le plan est le langage utilisé pour formaliser et communiquer cette vision. Le plan utilise un système symbolique précis (lignes, formes, mesures) pour rendre la vision abstraite concrète. Que les annotations du plan soient en anglais ou en allemand, la vision architecturale qu’il représente est identique. De même, le langage est le plan de nos pensées.

Penser en langage visuo-spatial

Pour de nombreuses personnes nées sourdes et ayant grandi avec une langue des signes comme première langue (par exemple l’ASL), leur monde intérieur est structuré par cette langue. Elles pensent en ASL. Mais que signifie réellement cela ? C’est bien plus complexe et riche que simplement « voir des images de mains ».

La « conversation intérieure » en ASL

La voix intérieure d’une personne entendante a des qualités au-delà des mots — un ton, un rythme, un volume. De même, une conversation intérieure en ASL est une expérience sensorielle à plusieurs niveaux. Elle implique la visualisation mentale des signes, mais ce n’est pas un film passif. Elle inclut la « sensation » mentale des formes de la main, le flux et le rythme des mouvements, et le rôle essentiel des expressions faciales, qui font partie intégrante de la grammaire de l’ASL. C’est une recréation dynamique et interne de la langue.

La dimension physique de la pensée

Ici, nous abordons un aspect profond de la pensée fondée sur la langue des signes, souvent méconnu. Penser en ASL est profondément physique et implique une conscience corporelle. La conscience corporelle est la connaissance par le cerveau de la position du corps dans l’espace. Pour un locuteur natif, cela est naturellement lié à la langue. De nombreuses personnes sourdes rapportent que leur « voix intérieure » n’est pas seulement visuelle ; elle a une dimension physique. Elles peuvent mentalement « ressentir » la tension dans la main, le trajet d’un signe dans l’air, la position de leur corps. C’est une pensée incarnée, où le concept de « haut » n’est pas qu’un mot mais une sensation mentale d’un mouvement vers le haut. Ce feedback physique est aussi important dans leur processus de pensée que le son d’une voyelle l’est pour la voix intérieure d’une personne entendante. Ce n’est pas seulement voir le signe de « penser », mais ressentir l’écho interne du mouvement — un doigt tapotant la tempe.

La grammaire dans l’espace

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De plus, penser en ASL signifie organiser des idées complexes dans un espace tridimensionnel. La grammaire de l’ASL n’est pas linéaire comme l’anglais. Elle est spatiale. Un signeur peut positionner une personne ou un concept à un endroit précis à sa droite, un autre à sa gauche. Pendant toute la conversation, il peut simplement pointer vers ces emplacements pour y faire référence. Les lignes du temps sont souvent visualisées, avec le passé derrière le corps, le présent devant directement, et le futur plus en avant. Cette cartographie spatiale permet une manière incroyablement efficace et intuitive de structurer des pensées sur les relations, les enchaînements d’événements et les comparaisons. Penser ainsi ne consiste pas à traduire des phrases anglaises en signes ; c’est organiser les concepts dans un cadre visuel et spatial dès le départ.

Une diversité d’expériences mentales

La communauté des personnes sourdes et malentendantes est loin d’être homogène. La manière dont une personne pense est profondément façonnée par son parcours spécifique avec la langue et l’audition. Dire que « toutes les personnes sourdes pensent en langue des signes » est aussi faux que dire « toutes les personnes entendantes pensent en anglais ». La réalité est une large et fascinante diversité d’expériences mentales.

Pas de modèle unique

La langue intérieure d’une personne se forme selon son environnement précoce, son éducation et ses expériences de vie. Qu’elle soit née sourde, devenue sourde plus tard, qu’elle ait appris la langue des signes ou ait été élevée à privilégier la parole, tout cela a un impact majeur sur la structure de son monde intérieur.

Comparer les expériences mentales

Pour vraiment apprécier cette diversité, nous pouvons comparer les expériences intérieures probables d’individus issus de parcours variés. Le tableau qui suit montre comment l’apprentissage des langues et l’histoire de vie influencent le mode de pensée interne. Cette vue organisée aide à déconstruire le récit unique et offre une compréhension plus précise et respectueuse.

Contexte de l'individu Exposition principale à une langue Mode probable de la pensée interne Considérations clés
Né sourd (utilisateur natif de la langue des signes) Langue des signes (par ex., ASL) dès la naissance/enfance précoce. Principalement dans la grammaire visuo-spatiale de leur langue des signes. Riche, physique et visuelle. C’est la réponse « classique » à la question : dans quelle langue une personne sourde pense-t-elle ?
Personne devenue sourde tardivement Langue parlée (par ex., anglais) pendant de nombreuses années avant la perte auditive. Souvent continue de penser dans la boucle sonore (voix intérieure) de leur langue parlée native. Peut rapporter que leur « voix intérieure » s’estompe avec le temps ou est complétée par du texte/des visuels.
Personne sourde orale Axée sur la lecture labiale et la production de la parole ; peut ne pas connaître la langue des signes. Un mélange d’une « voix » abstraite en langue parlée, de mots/texte visualisés et de sensations liées à la parole. Cette expérience est très individualisée et moins comprise que la pensée basée sur la langue des signes.
Utilisateur d’implant cochléaire Très variable selon l’âge d’implantation et le succès obtenu. Peut être un mélange complexe d’une « voix » entendue numériquement, de signes visuels et/ou de leur mode de pensée pré-implantation. L’expérience intérieure peut changer considérablement après la pose de l’implant.

Quand une langue formelle fait défaut

Cette exploration soulève une autre question importante : que se passe-t-il si un enfant sourd n’est exposé à aucune langue formelle, signée ou parlée ? Cette situation tragique est appelée privation linguistique, et elle donne une leçon forte sur le lien entre la langue et la pensée.

La pensée pré-linguistique

Dans les rares cas de privation linguistique sévère, la pensée ne cesse pas d’exister. Le cerveau humain est une machine à créer du sens. Sans système formel de langage, la pensée est non linguistique. Elle est composée d’images, d’émotions, de souvenirs sensoriels et de relations concrètes de cause à effet. Une personne peut penser en images de ce qu’elle désire ou avoir de forts souvenirs d’événements passés. Cependant, ce mode de pensée est très limité. Il a du mal à gérer des concepts abstraits comme « justice », « demain » ou « possibilité ». Sans les outils symboliques du langage, la pensée complexe et abstraite est extrêmement difficile à développer et à maintenir.

Importance cruciale de l’accès à la langue

Cela met en lumière une découverte scientifique essentielle : l’importance critique d’un accès précoce à la langue pour chaque enfant. Les recherches en linguistique et psychologie du développement ont montré à plusieurs reprises qu’il existe une « période critique » d’apprentissage de la langue, généralement de la naissance à environ cinq ans. Pendant cette période, le cerveau est spécialement prêt à apprendre une langue. Une exposition à un environnement linguistique riche—qu’il soit parlé ou signé—durant cette fenêtre est indispensable à un développement mental sain. Elle construit les réseaux neuronaux nécessaires au raisonnement abstrait, à l’alphabétisation et aux fonctions exécutives. Refuser à un enfant sourd l’accès à une langue comme l’ASL dans l’espoir qu’il apprendra à parler est un pari dangereux pouvant entraîner des difficultés mentales durables. La langue est un droit humain, et pour un enfant sourd, l’accès à la langue des signes est l’accès au monde de la pensée.

Conclusion : accueillir la diversité mentale

Nous avons commencé par une question simple sur la voix intérieure d’une personne sourde et sommes arrivés à une appréciation beaucoup plus profonde de la complexité de l’esprit humain. La réponse, nous l’avons vu, n’est pas un point unique mais un vaste et varié paysage d’expériences mentales.

Résumé : un éventail

La façon dont une personne pense n’est pas déterminée par sa capacité auditive, mais par la langue qu’elle utilise pour construire son monde. Pour un utilisateur natif de la langue des signes, la pensée est une danse dynamique, physique et spatiale. Pour quelqu’un ayant perdu l’audition tardivement, c’est peut-être l’écho qui s’estompe d’une voix parlée. Pour d’autres, c’est un mélange unique de texte visuel, d’articulation parlée et d’images conceptuelles. Il n’y a pas une « expérience sourde » singulière, mais un éventail d’expériences humaines.

Une dernière réflexion : la nature universelle

La question « dans quelle langue une personne sourde pense-t-elle ? » nous enseigne finalement davantage sur nous-mêmes. Elle nous oblige à séparer la pensée du son et à reconnaître la langue sous ses nombreuses formes. Elle révèle l’incroyable adaptabilité du cerveau et la vérité profonde que, même si nos expériences du monde diffèrent, l’élan humain fondamental à penser, raisonner et se connecter est universel. La beauté ne réside pas dans la recherche d’une seule réponse, mais dans la célébration des manières diverses et merveilleuses dont un esprit peut donner sens.

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